La psychologie doit-elle changer de paradigme pour répondre à la crise climatique ?

Nous ne venons pas au monde, mais nous en sortons. Comme les feuilles et les branches d’un arbre, nous sommes le fruit de la nature dont nous ne saurions nous couper sans risquer le pire.

N’est-il pas étonnant que cette thématique du lien à nos origines, pourtant omniprésente dans toutes les cultures traditionnelles, n’aie jamais été prise au sérieux par toute la psychologie moderne ? Aurait-elle fait l’objet d’un refoulement ? Tout comme la connaissance de l’importance des liens de filiation et des héritages transgénérationnels oubliés par la modernité ?

Pourtant nombreux furent les penseurs à nous rappeler cette thématique, en particulier les phénoménologues qui dénonçaient cette pensée métaphysique et positiviste qui nous éloigne de nous-même et de la réalité pour préférer des représentations, plus ou moins pertinentes, de nos liens avec la nature et avec nos origines – et sans plus les éprouver réellement.

Dans les années 1970, avec son « Livre de la sagesse », Alan Watts aussi expliquait: « La véritable question se situe au niveau de notre façon de nous sentir et de nous concevoir en tant qu’’êtres humains, du sentiment que nous avons de notre existence individuelle et de notre identité. Nous souffrons d’une hallucination; notre propre existence d’organismes vivants, nous la percevons d’une manière fausse et déformée. Nous ressentons presque tous notre « moi » comme un centre indépendant de sentiment et d’action, vivant à l’intérieur du corps physique et borné par lui de toutes parts: comme un centre qui « affronte » un monde « extérieur » composé de personnes et d’objets, qui communique par l’intermédiaire des sens avec un univers à la fois autre et étrange. Les figures de style que nous employons tous les jours reflètent cette illusion : « Je suis venu en ce monde. » « Il faut affronter la réalité. » « La conquête de la nature. » Cette sensation d’isolement, cette façon de se considérer comme des visiteurs très provisoires dans l’univers, est en contradiction totale avec tout ce que les sciences nous apprennent sur l’homme (et sur tous les autres organismes vivants). Nous ne venons pas « en ce » monde; nous en sortons comme les feuilles de l’arbre. Comme les « vagues » de l’océan, comme les « peuples » de l’univers. Chaque individu est une expression de tout le royaume de la nature, un acte unique de l’univers dans sa totalité. Ce fait, la plupart des gens ne le vivent que rarement, ou jamais. Ceux-là mêmes qui le savent vrai en théorie ne le perçoivent, ne le ressentent pas, mais continuent de se voir comme des « je » isolés dans leur sac de peau. Première conséquence de cette illusion, notre attitude vis-à-vis du monde « extérieur » est pour une bonne part hostile. Nous passons notre temps à « conquérir » la nature, l’espace, les montagnes, les déserts, les bactéries et les insectes au lieu d’apprendre à coopérer avec eux dans un ordre harmonieux. […] Conquérir la nature : cette attitude hostile ignore l’interdépendance fondamentale de toutes choses et de tous phénomènes — le fait que le monde extérieur à notre peau est en réalité une extension de notre propre corps — et finira par détruire jusqu’à l’environnement d’où nous sommes issus et dont dépend toute notre vie.

Cette idée de nous-mêmes en tant qu’esprits isolés dans un univers autre et, en gros, stupide, a pour deuxième conséquence l’absence chez nous de sens commun, d’un moyen quelconque de comprendre le monde, d’en avoir une conception commune. J’ai mon opinion, vous avez la vôtre, et, du coup, c’est le propagandiste le plus agressif, le plus violent (donc le plus insensible) qui prend les décisions. Ce fouillis d’opinions contradictoires unies par la force de la propagande : voilà bien pour une technologie puissante la pire source de contrôle possible. »

Au cœur de cette problématique moderne, le rapport à la mère-terre, source de vie, mais taxé d’interdit à cause du fantasme d’inceste que véhicule la culture moderne. Nous devons reconsidérer ce lien pour le restaurer et changer de paradigme. Un lien devenu inconscient mais qui pourtant pourrait, devrait, à nouveau être l’objet de notre attention. Ce nouveau paradigme psychologique découle aussi d’une toute autre manière de comprendre le mythe d’Œdipe, présentée dans « A propos de la métamorphose d’Œdipe en héros de Colone » , comme le récit d’une véritable naissance, et non pas comme une tragédie sans lendemains comme les modernes se sont acharnés à nous le faire croire. »

Présentation du changement de paradigme et la restauration de la relation au monde telle que Sophocle nous le propose avec son mythe d’Oedipe, allant de la pandémie à Athènes vers la prospérité à Colone. Pour en savoir plus: À propos de la métamorphose d’Œdipe en héros de Colone
un modèle universel de thérapie transgénérationnelle