L’enfant de remplacement, l’exemple de Gustave Courbet.

Qu’est-ce qu’un enfant de remplacement et quelle en sont les possibles conséquences ? L’analyse de la vie du célèbre peintre Gustave Courbet vous instruira sur ce genre d’héritage :

Le Désespéré est un tableau du peintre français Gustave Courbet réalisé entre 1843 et 1845. C’est un autoportrait sous les traits d’un jeune homme qui regarde fixement devant lui, les mains crispées dans ses cheveux.

Extraits:

« Il est temps de pénétrer l’envers du décor et de tenir compte de l’influence des héritages transgénérationnels inconscients dans la vie de Courbet.
Commençons par rappeler l’analyse de Sylvie Nezelof qui explique ce statut d’enfant de remplacement : « Gustave est déclaré à l’état civil sous les prénoms de Jean, Désiré, Gustave. « Désiré », un prénom chargé d’attente et d’affection […] Son parrain est Jean-Antoine Oudot, le fameux grand-père maternel. Concernant sa conception, et en considérant qu’il est né à terme (ce qui est probable au vu de sa bonne constitution), un rapide calcul permet d’émettre l’hypothèse que Gustave Courbet a été conçu le 26 septembre 1818, jour anniversaire de la naissance/mort de son frère aîné. » Salomon Sellam montre de quelles manières les enfants de remplacement restent confrontés au deuil non fait par leurs parents. Ils souffrent d’être inconsciemment comparé à un autre, de ne pas être reconnu et d’avoir à porter la charge émotionnelle du deuil non fait. La littérature spécialisée en parle de diverses façons, comme des porteurs de fantôme, ou d’une « crypte ».
Les archives confirment que le frère aîné de Gustave était né à Flagey le 26 septembre 1817 à une heure du matin et qu’il décéda deux heures plus tard. Ce garçon avait reçu le prénom de son grand-père maternel, Jean-Antoine, comme pour compenser le manque de fils de ce dernier.

Mais lorsque l’on examine l’arbre de famille des Oudot nous trouvons une autre information d’importance. En effet, le grand-père avait eu un fils ; Charles Etienne Modeste Oudot, né le 12 mars 1798, décédé le 10 décembre 1801, à trois ans. Dans une telle famille de la petite bourgeoisie d’Ornans, vignerons-propriétaires depuis plusieurs générations, la perte du seul hériter mâle de la famille n’est pas sans conséquences et les attentes se reportent sur le premier garçon qui naîtra d’une de leurs deux filles. Ce garçon, on l’avait même prénommé comme son grand-père, Jean-Antoine. Malheureusement, il ne vivra que quelques heures. Un décès prématuré qui renforce encore les attentes. Gustave Courbet serait-il alors le remplaçant du remplaçant de son oncle ?
Mais son arbre de famille nous réserve encore une surprise. Son grand-père, Claude-Louis Courbet (1751-1814), juge à Flagey, avait eu un premier fils : Eléonor Régis François Stanislas, né le 14 février 1796, décédé près d’une année plus tard, le 15 avril 1797. Or le second et dernier enfant du couple n’est autre que le père de Gustave, prénommé Eléonor Régis Jean Joseph Stanislas. Né le 10 août 1798, soit un peu plus d’un an après le décès de son frère aîné, il hérite d’une bonne partie des prénoms du frère disparu ! Il est lui aussi clairement dans une position d’enfant de remplacement.
L’examen de l’arbre de famille des Oudot-Courbet montre ainsi que les deux oncles de Gustave Courbet, tous deux premiers fils (héritiers) de leurs parents, sont tous deux morts en bas âge, à trois ans du côté de sa mère et à un an du côté de son père. Nous voici donc en présence de trois enfants à remplacer en l’espace de deux générations ! Le frère aîné de Gustave remplace son oncle, Gustave lui-même remplace son frère, et le père de Gustave aussi remplace le sien. Une telle concentration de deuils non faits ne pourra que produire un destin hors du commun. « 

Article complet dans l’ouvrage collectif:

Analyses transgénérationnelles pour mieux comprendre les destins de Gustave Courbet, Louis Aragon, Michael Caine, Alain Bashung, Antoine de Saint Exupéry, Romain Gary (tome 2)
Par Thierry Gaillard, Denise Morel-Ferla, Élisabeth Horowitz, Manuelle Sekely, Brigitte Besset-Collet, Eléonore Béchaux
(144 pages , Génésis Éditions 2020 , ISBN 9782940540334)

Compléments: